Vous avez pris une superbe scène de rue de la vie quotidienne. Or au premier plan s’y trouvent quelques personnes que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam ? Attention ! Si le cliché venait à être publié et que l’une ou plusieurs des personnes sur cette photo tombait par hasard dessus, vous pourriez avoir des histoires. Enfin, peut-être. Chapitre 2 : bienvenue dans le monde du droit à l’image des personnes.
Alors ce fameux droit à l’image des personnes pour lequel il n’existe pas vraiment de loi, qu’est-ce que c’est au juste ? La justice le définit selon les termes suivants : « Toute personne a, sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation ». Voilà, c’est clair, même si cette définition n’émane pas d’un texte législatif. C’est un principe adopté par les tribunaux qui découle en revanche d’un texte bien réel, le Code Civil – Article 9 pour être précis, qui statue lui sur le droit au respect de la vie privée. Les tribunaux ont trouvé là une parade pour protéger les individus contre les dérives. C’est un droit de la personne, inaliénable, et qui concerne tout le monde (ou presque) et s’applique à toutes les situations (ou presque). Important : ne compte pas seulement le visage, visible ou non. Le droit à l’image des personnes s’applique aussi à une partie du corps qui peut être reconnue. Peu importe également que la personne ne soit pas seule sur l’image.
Alors que faire pour le droit à l’image des personnes ?
Une seule solution est fiable : l’autorisation écrite de la personne concernée, celle-ci devant avoir été au préalable clairement informée des usages et conditions de diffusion de son image qui ne doivent pas, à l’arrivée, se révéler différentes de ce qui avait été prévu. En outre, la photo ne doit en aucun cas atteindre à l’intimité de la personne ou à sa dignité. Ajoutons que si les sujets sont des mineurs, la règle s’en trouve renforcée. L’autorisation expresse devra donc être demandée aux parents.
Quels sont les risques ?
Sans consentement du sujet, l’auteur de l’image peut être soumis à des sanctions allant de l’interdiction de diffuser l’image au versement de dommages et intérêts qui seront octroyés par le tribunal.
Mieux vaut donc prévenir que guérir et s’affranchir de tout manquement aux règles en obtenant une autorisation écrite en bonne et due forme.
Quelles sont les exceptions ?
Ainsi en va-t-il avec les lois : il y a toujours des exceptions ou du moins, des restrictions d’application. Si les tribunaux sont très pointilleux sur la protection des intérêts des personnes, les juges peuvent néanmoins arbitrer différemment en certaines circonstances, lorsque la liberté d’expression ou le droit à l’information sont par exemple dans la balance. Cela dit, leur indulgence sera parcimonieuse et dans certaines situations très identifiées :
Le sujet d’actualité :
Si une personne se trouve par hasard sur une photo illustrant un sujet d’actualité, elle ne pourra faire valoir son droit à l’image des personnes en raison du droit à l’information. Sous réserve toutefois que l’utilisation de l’image soit limitée dans le temps (en l’occurrence celui de l’actualité) et que le sujet principal de la photo soit justement cet événement et non la personne. Cette exception est également valable pour les sujets dits historiques ;
Les personnes publiques :
Pas de droit à l’image des personnes pour elles non plus tant que la photo est prise dans un contexte où elles sont dans l’exercice de leur vie publique et/ou professionnelle. Exemple : un homme politique sur les lieux où il tient un meeting. Mais attention, la même image en compagnie de son épouse au restaurant du coin devra faire l’objet d’une autorisation des intéressés avant diffusion ;
Autres cas :
Celui où une personne n’est pas clairement identifiable, soit en raison de la manière dont la photo a été prise, soit parce que son visage a été floutée – une technique assez usuelle aujourd’hui. Non reconnu non plus, une photo d’un groupe qui a été prise par exemple devant un monument qui est lui le sujet principal de la photo. Et enfin de manière plus générale, tout ce qui relève de la « liberté de la presse », comme par exemple les illustrations servant à témoigner d’un débat général de société.
Celui, ambigu, des animaux de compagnie :
En février 2015, le législateur a (enfin) clairement établi qu’un animal est « un être vivant doué de sensibilité ». Parallèlement, la loi considère encore que « sous réserve des droits qui les protègent, les animaux relèvent du domaine des biens ». Alors droit à l’image des personnes ou pas pour le chat du voisin ? A priori non. Pour prétendre contrarier la diffusion d’images de leurs compagnons, le propriétaire devrait établir l’existence d’un « trouble anormal ». Pas simple. Attention toutefois : comme stipule la loi, les animaux aussi ont « des droits qui les protègent », il ne s’agit donc pas de faire subir à des animaux des sévices divers aux fins de photos douteuses. Mais nous sommes entre gens de bonne compagnie n’est-ce pas ?!