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Servane ETCHEGARAY : une photographe reporter !

servane etchegaray

  • Bonjour Servane, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Servane Etchegaray, j’ai 44 ans, je suis mariée et maman de 2 enfants. Éthologiste de formation j’ai très vite été exercée à développer mon sens de l’observation. Mes photographies sont très naturellement venues illustrer mes études sur le comportement des populations animales.

Depuis 8 ans, je réalise des reportages photos au domicile des personnes ou sur le lieu de leur choix. Je n’ai pas de studio.

Je suis indépendante et libre. Je travaille seule.

Je suis paradoxalement quelqu’un de sociable et qui aime les gens.

  • Comment s’est fait ton apprentissage de la photo ?

Je suis autodidacte. J’ai commencé la photo à l’adolescence et pratiqué beaucoup à mes temps perdus. Lorsque j’ai travaillé pour le conservatoire des races d’Aquitaine, j’ai fait beaucoup de photos à utiliser comme support de reconnaissance d’individus sauvage ou en élevage pour établir des diagnostics de population. De passion à outil de travail, la photographie est devenue ma profession. Je l’exerce sous l’angle du reportage et mes sujets d études sont désormais le plus souvent humains. Au quotidien aussi, elle s’apparente à un filtre, un outil, une armure qui me permet de poser un regard différent sur ce qui nous entoure.  Pour moi,  photographier c’est observer pour suspendre le temps, celui d’un cliché, pour rendre immortel un instant. C’est aussi témoigner avec sa sensibilité. La photographie est dès lors un art soumis à subjectivité. Après presque 8 années de travail « caché », le temps est venu de me dévoiler.

  • Quelle est ta spécialité ? As-tu envie d’explorer d’autres domaines ?

Je n’ai pas vraiment de spécialité même si je travaille principalement sur l’humain. J’aimerais développer la photo en entreprise.

  • Quel est le shooting qui t’as le plus marqué et pourquoi ?

Il n’y a pas de shooting en particulier qui m’ait marqué mais plus des moments d’intimité, souvent avec des mariées. Ils se confient très librement et souvent très spontanément sur leurs doutes, leurs angoisses et leurs attentes. C’est aussi pour eux comme une forme de confession à quelqu’un d’étranger et en même temps très proche qu’elles ne devraient plus revoir.

  • Quelle est ta source ultime d’inspiration ? Quelle est ta muse ?

Je n’ai pas de source d’inspiration ni de muse. Je travaille au feeling, je ne prépare rien. J’essaie de sentir l’instant. Je pourrai dire que ma source d’inspiration se cache dans mon extrême sensibilité.

  • Quelle est ta « marque de fabrique » ?

Le naturel

  • Qu’est-ce qui est selon toi indispensable en photographie ?

L’observation et l’écoute.

  • Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier ?

Rendre les gens heureux.

  • Sur quoi travailles-tu en ce moment ?

Après 8 ans de réalisations purement commerciales, je travaille désormais pour mes clients. J’aspire à refaire de la photo pour moi. J’élabore donc actuellement un projet de travail personnel orienté sur la photographie bien sûr, mais aussi sur l’écriture autour d’une thématique qui pourrait se résumer par « qui je suis ? ». Vaste sujet… J’ai quelque protagoniste en tête et ai déjà réalisé une série de clichés. Affaire à suivre…

  • De l’idée à la création, de la création à la finalisation, passes-tu beaucoup de temps sur une photographie ?

Je fais beaucoup de reportages, l’esprit est donc l’instantané et non la réflexion. Idem en post prod. Je garde ou je mets de côté, mais je ne redessine pas ma photo. Je ne suis pas graphiste.

  • Quel est le cliché dont tu es la plus fière ?

Je ne suis, pour ainsi dire, jamais fière de mon travail et mes plus belles réalisations sont mes enfants…

Si je ne devais retenir qu’une seule photo, ce serait celle-ci. Je ne peux pas dire que j’en suis fière, car ce mot ne me parle pas. Je dirai plutôt qu’elle représente mon état d’esprit du moment et mon travail perso. Elle issue d’une première série de clichés réalisée avec une danseuse professionnelle. Elle témoigne du mouvement, de la force et de la détermination.

photo etchegaray

  • Quel matériel photo utilises-tu ?

Je travaille seulement avec du matériel Canon. J’ai 3 boîtiers et 2 objectifs. Je ne fais pas de collection et je ne rêve pas non plus en permanence du dernier modèle. Je suis nulle en technique et cela ne m’intéresse pas. Quant au choix de la marque, je dirai que c’est comme être sur mac ou pc, je suis Canon un point c’est tout !

  • Quels sont les photographes qui t’inspirent ?

Dans les hasards de la vie, je dirais que celui d’être tombée sur le travail de Rebecca Kigger. Cela a été un déclic dans ma décision de m’installer. Et sinon j’aime Willam Eggleston, Lucien Clergue, Sabine Weiss…

  • Quels conseils ou mise en garde donnerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait exercer ton métier ?

Étant moi-même autodidacte, j’aurai du mal à venter les formations. Je crois que la photographie ne s’apprend pas, elle se vit. L’observation serait le mot-clé. Que ce soit dans son environnement naturel ou des gens qui nous entourent, savoir capter l’élément ou l’instant reste le plus important. Il faut avoir une vision globale d’un lieu ou savoir prendre la mesure d’une situation dans sa globalité pour être un bon photographe. Je n’ai jamais « peur » des belles photos que va prendre l’oncle « machin » ou le cousin « truc » sur un mariage, car je sais qu’il ne verra pas tout. Il oubliera la famille du conjoint, cadrera sur les yeux quand il faut voir la main et posera son appareil pour prendre un verre à la main. C’est en ça, je pense que ma formation d’éthologiste se retrouve dans mon métier actuel. Je suis à l’affût, mon sujet d’observation est juste passé de 4 à 2 pattes !

Ne pas oublier par ailleurs, que l’on attend des personnes qu’elles se mettent à nu, il faut donc mettre les gens en confiance et savoir s’adapter à toutes les personnalités/milieux…

Enfin, il faut garder à l’esprit qu’être professionnel, c’est devoir gagner sa vie, être commercial donc et répondre aux attentes des personnes qui nous contactent. Leurs critères ne sont pas toujours les nôtres, et même si sous couvert de cette légitimé d’être un « pro » nous pouvons conseiller nos clients, ils restent les payeurs !

  • Comment passe-t-on d’amateur à professionnel ?

En s’inscrivant à la chambre des métiers !

  • Que penses-tu de la montée en puissance du numérique ?

La quantité ne fera jamais la qualité, mais le numérique facilite la médiocrité. Encore faut-il savoir utiliser Photoshop après ! Trêve de plaisanterie, je n’ai rien contre les nouvelles technologies.

  • As-tu peur pour l’avenir de ton métier ?

Non.

Bien sûr, nous sommes de plus en plus nombreux avec des gens qui cassent les prix et le marché, mais il y aura toujours des puristes pour reconnaître un travail de qualité. Par là, je ne parle pas seulement de la photographie en soi mais également d’implication, d’accompagnement, d’écoute, de sensibilité et de professionnalisme en fait.

C’est sa propre visibilité qui est plus difficile à gérer. Le fait de ne pas avoir pignon sur rue comme autrefois rend la commercialisation plus difficile. Les phénomènes de mode comme les photos filtrées par exemple, que relaient les réseaux sociaux sont aussi un problème pour revendiquer sa singularité.

Ces mêmes réseaux sociaux qui nous permettent normalement d’exister sont aussi un très bon moyen de nous noyer. Tout le monde fait de la photo, beaucoup en font de très belles, peu à mon sens peuvent en faire leur métier du fait des contraintes liées justement à la professionnalisation. Devant une telle affluence d’images, un client potentiel ne juge dans un 1er temps que sur un visuel, pas sur le professionnel dans sa globalité. En n’attend pas d’un électricien ou d’un plombier qu’il soit juste bon en électricité ou en plomberie. On attend de lui qu’il soit ponctuel, disponible, consciencieux, de bon conseil, qu’il travaille proprement, etc.

  • Utilises-tu les nouveaux moyens photographiques que l’on voit un peu partout ses derniers temps : smartphone, drone, etc ?

Pas du tout attirée par les drones. J’utilise mon tel pour des photos destinées aux réseaux sociaux ou persos.

  • Lorsque tu prends une photo, à quoi penses-tu ?

Je ne pense pas, je ressens !

  • As-tu déjà travaillé en équipe ?

Non, trop sauvage et pas assez confiance en moi pour me soumettre au regard d’un autre professionnel.

  • Merci Servane du temps que tu nous as accordé pour cette Interview. Nous te souhaitons une bonne continuation et une belle réussite !