Photographe, qui es-tu ?

Avant, lorsque l’on disait de quelqu’un qu’il était photographe, c’était (à peu près clair). Un photographe, c’était celui qui prenait des photos (toujours) de qualité, et savait manier avec une déconcertante facilité un matériel complexe (et souvent onéreux). C’était aussi celui qui entrait dans la « chambre noire » - un lieu mystérieux - et s’y enfermait parfois des heures pour « développer ». Bref, c’était un initié, et la photographie plus qu’un métier, une science. Mais ça c’était avant. Avant la révolution numérique. Avant, le smartphone, l’internet, Photoshop et les réseaux sociaux. Autant dire à l’âge de pierre, tant la technologie a évolué vite et bien, mettant à la portée de tout le monde des possibilités réservées autrefois à quelques uns, et ce dès le plus âge. Aussi, a-t-on l’occasion aujourd’hui de vivre des situations parfois déconcertantes. Exemple : votre meilleure amie va se marier. Parmi les incontournables de cet évènement ultra important, et juste après la robe de mariée, le lieu de la cérémonie et le traiteur, arrive l’image, les photos, le film, qui immortaliseront cette journée unique. En demoiselle d’honneur soucieuse que tout soit parfait, vous répondez spontanément : - « I faut un pro » - seul gage pour vous que le résultat ne soit pas hasardeux ou pire, complètement raté. Et la réponse vous sidère : - « Pas de souci, on va demander à Olivier (ou Pierre, Paul, Jacques), il est photographe ». - « Olivier, photographe ? Ah bon ? » Vous ne saviez pas (et pourtant vous le connaissez depuis cinq ans). - « Mais oui », répond votre amie, la bouche en cœur, « il prend des photos avec son smartphone, tu verrais ça : ma-gn-fi-que !!! ». Catastrophe ! Vous imaginez déjà Olivier, le smartphone vissé à l’œil (forcément vitreux à la fin du dîner) transformer la soirée dansante en bal des vampires. La catastrophe vous dis-je ! Mais c’est comme ça, aujourd’hui tout le monde est photographe, et ce n’est pas Instagram qui me dira le contraire, ni même certains médias qui, plutôt que de rémunérer des images prises par un photographe professionnel, préfère faire un appel aux dons, comptant sur l’insatiable attrait pour la célébrité (aussi futile qu’éphémère) de nos contemporains. Alors, photographe professionnel (puisque maintenant il faut préciser), qui es-tu ? Revenons aux bases : le photographe professionnel est celui dont c’est le métier et qui en tire ses ressources financières. Ca, c’est dit et c’est simple. Après ça se complique. Sur la forme et sur le fond. La rivalité amateur/professionnel En corrélation directe avec ce qui précède. Aujourd’hui, le photographe n’a plus l’apanage du matériel (tout le monde peut disposer d’un bon appareil et même les téléphones font de belles photos c’est dire !). Et la pratique régulière de la photo par de vrais amateurs éclairés (et il y en a de plus en plus), tend même à enlever (à tort mais c’est une autre histoire) au pro ce qui faisait autrefois son aura : l’œil. Ce fameux « regard » du photographe qui différenciait justement le pro du profane. Si l’on ajoute à cela le fait que l’amateur (pour qui la photo est par essence un hobby ou un loisir) tend naturellement à donner ses images, la boucle est bouclée, le travail dévalorisé et le professionnel décrédibilisé. Voilà pour la forme. Un métier en perte de repères Quant au fond, c’est presque pire : de multiples statuts (salarié, pigiste, artisan, artiste photographe et même auto-entrepreneur) tuent Le statut. Mais que fait le législateur ? Rien ou presque. Les contours deviennent flous et l’image se déforme, le comble pour un photographe. Est-ce le secteur qui est en crise ? Non. La photographie se porte bien merci. Il n’y a qu’à voir le succès remporté par de grandes expositions qui n’attirait pas plus que ça le grand public il y a quelques années. Alors, alors… il semble que la profession en soit arrivée à ce point délicat où elle va devoir se réinventer, se regarder avec un œil neuf et élargir son angle de vue. Les cordonniers étant souvent les plus mal chaussés, la chose ne va pas forcément de soi. Le retour aux fondamentaux : ce qui différencie le professionnel de l’amateur c’est justement l’expertise, le savoir-faire irremplaçable, la connaissance et la maîtrise intrinsèque de l’image. Etre photographe, c’est un métier parfois difficile, voire ingrat. Capter les lumières, maîtriser les cadrages, sentir le bon moment, relèvent d’une culture qui ne s’acquiert pas en un click, ou parce que l’on est capable de prendre une « jolie » photo et d’aller la retoucher sur un logiciel dédié. La survie et l’évolution du métier sont sans doute pour une large part dans sa (re) professionnalisation, ce qui signifie non seulement être bon, excellent même, mais aussi connaître les règles, ses droits et ses devoirs, et sur le métier sans cesse se remettre à l’ouvrage. En ce sens, la formation professionnelle continue désormais accessible à tous est une belle ouverture. Le métier de photographe attire de plus en plus. Aux jeunes générations donc de relever le défi. Car non, nous ne sommes pas tous photographes, de même que parmi eux, tous ne sont pas Helmut Newton ou Robert Doisneau. Mais c’est aux photographes de s’adapter aux mutations de leur profession. Elles sont rapides et nombreuses. Mais elles induisent aussi de nouvelles opportunités et de nouveaux champs d’investigations, pour répondre de nouvelles attentes de clients particuliers ou professionnels. Les mutations sont un risque. Elles sont aussi de grandes chances. Et pour le clin d’œil (sourire), suivez le lien et faites le test auprès de ceux qui se disent des pros ; s’ils ne réagissent pas, c’est un signe !